Léo sortit de son cours de Mathématiques, son dernier cours de la journée. Il poussa un petit soupir de soulagement, il était assez fatigué en ce moment et ça ne s'arrangeait pas au fil du temps. Il avait même l'impression que tout s'empirait, le petit garçon s'arrêta et alla s'adosser contre le mur. Il ne comprenait pas pourquoi tout lui semblait difficile en ce moment. Pourquoi tout semblait s'ébranler sous ses pieds. Cela devait faire si longtemps qu'il n'avait ressentit un vide aussi immense en lui, sûrement depuis la disparition de son frère. Tout en lui était douloureux, il avait besoin de son frère mais il ne savait même pas s'il était encore en vie. Son frère.... La personne avec qui il avait toujours été proche, ils étaient unis dans les épreuves. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau malgré que Léo soit chétif tandis que son frère était plutôt un dur à cuire. Pourtant, le plus chétif des deux était censé être l'ainé et donc devait protéger le plus jeune mais il en avait été incapable. Et il s'en voulait toujours autant malgré les années. En même temps, ses parents se débrouillaient bien pour lui rappeler que c'était de sa faute si son frère s'était fait enlevé.

Le jeune Léo se releva et se remit à marcher, il passa nerveusement une main dans ses cheveux. Il avait un mal de tête insupportable mais il ne voulait pas déranger Roméo pour une chose aussi idiote... Déjà qu'il doit aller le  voir trois fois par jour pour prendre ses médicaments. Il ne comprenait pas pourquoi on ne le laissait pas les prendre en autonomie. Le Frost s'arrêta devant une porte entrouverte, il jeta un coup d'oeil à l'intérieur et reconnut la salle de musiques. Il entra, un peu hésitant à l'intérieur et regarda tristement les instruments. Un petit sourire triste flotta sur ses lèvres. Il revoyait son frère jouer d'un instrument que le père de famille avait acheté, Léo revoyait le sourire heureux de son jumeau alors que lui, malade, était cloué au lit. Léo avait apprit à l'aide de son frère la musique, mais suite à l'enlèvement du plus jeune du duo, l'homme  a interdit l'enfant d'en jouer lui forçant à croire que c'était inutile et une perte de temps.

Le petit Léo était concentré sur les instruments, ses pensées divaguant doucement, il revoyait son frère, sa joie de vivre, et puis l'attention que portaient alors les parents sur les jumeaux. En vérité, tout ça lui manquait, son frère, ses parents. Il aimerait tellement remonter en arrière où son frère était encore à la maison, où ses parents prêtaient de l'attention à leurs enfants et ne s'enfermaient pas dans leur travail et l'amertume. Léo aurait voulu pouvoir retourner dans ce cocon et sauter le jour où Ethan s'est fait enlevé, ce jour où tout à volé en éclats. A partir de ce jour, les parents des jumeaux se sont plongés dans les recherches de leur petit garçon, en vain. Quand ils ont finit par comprendre qu'eux ne pouvaient pas retrouver leur enfant, ils se sont complétement désintéressés de Léo. Enfin, ses parents se sont débrouillés pour lui mettre une pression énorme sur ses épaules, il était un pion en vérité, un pion dans l'échiquier du père de famille. Soudain, une voix s'éleva et le fit sursauter, il se retourna vivement vers la source de la voix. C'était un adulte, un professeur, le professeur de musique, Morgan Blake. Léo baissa immédiatement le regard, mal à l'aise d'avoir dérangé ainsi son professeur. Il se mordilla la lèvre et répondit à l'adulte.

"C'est bien ça professeur... Excusez moi, je ne voulais pas vous déranger, je vais m'en aller."

En réalité, Léo manquait énormément de confiance en lui quand il était en présence d'adulte, allez savoir pourquoi. Morgan demanda à l'enfant s'il voulait jouer, Léo releva le regard surprit, il se mordilla la lèvre et baissa de nouveau le regard. Il n'arrivait pas encore à surmonter son ancienne éducation, là, il n'avait envie que d'une chose, fuir pour avoir déranger un adulte. Il soupira doucement et fit un petit sourire un peu triste.

"Je n'ai pas joué depuis bien longtemps... Je ne sais plus professeur. C'est surtout mon frère."

Le jeune Léo ne savait pas comment réagir suite à la phrase de son professeur. Il avait toujours l'habitude de parler à ses professeurs en les appelant ainsi mais jamais ne lui serait venu l'idée de les appeler par leur prénom. Pour lui, c'était trop impoli et de plus, il n'était pas en accord avec les propos de Mr Blake, bien sûr qu'il lui était supérieur. C'était un adulte mais en plus de ça un professeur, c'est donc assez sceptique qu'il répondit prudemment à l'adulte.

"Sans vouloir vous contredire, vous êtes un adulte, je vous dois le respect et de plus vous êtes un professeur. C'est donc normal que je vous nomme ainsi.."

Il obéit à l'adulte quand celui ci lui fit signe d'entrer, il l'observa fermer la porte puis se diriger vers les instruments et lui tendre une guitare. Léo déglutit et prit la guitare en tremblant un peu, ça faisait si longtemps qu'on ne lui a plus permit de toucher un instrument, en particulier celui ci, sûrement depuis l'enlèvement de son frère jumeau. Son professeur se mit à jouer du piano, l'enfant mit un long moment avant de réussir à se replacer comme avant et à jouer, ça s'entendait qu'il était hésitant mais il ne pouvait rien faire, c'était ainsi. Quand le morceau se termina, l'enfant reposa la guitare à sa place. Léo s'assit sur la chaise tendu par son professeur et baissa le regard vers le sol, s'attendant à des reproches mais non. Celui ci se contenta de lui poser une question concernant son frère, un sujet assez sensible. Léo passa nerveusement sa main dans ses cheveux tout en se mordillant la lèvre inférieur.

"Et bien, à vrai dire... Il a apprit les bases de la guitare pour m'apprendre ensuite, il voulait faire tellement de choses vous savez... Je ne me rappelle plus très bien... Veuillez m'excuser..."

Léo sentait sa boule à la gorge s'agrandir en parlant de son frère, il avait envie de pleurer mais il ne devait pas. L'adolescent n'avait pas le droit de pleurer mais il avait l'impression d'étouffer. Il inspira un bon coup tout en se mordillant la lèvre inférieur nerveusement. Ses parents ont toujours été durs avec lui, surtout depuis qu'Ethan avait disparu. Il n 'avait plus personne à qui se confier et ça lui faisait beaucoup de mal. Mais malgré son besoin de se confier, il n'arrivait pas à se faire des amis, il était comme ça, il avait un peu de mal à se sociabiliser. Beaucoup de mal, même. Son professeur s'excusa pour son frère, l'enfant fronça les sourcils. Comment pouvait il savoir ? Peut être que ces mots ont trahit ses pensées, ou alors qu'il a vu l'annonce concernant l'enlèvement de son frère qui a passé en Australie et quelques part d'autre. En même temps, les deux frères se sont toujours ressemblé comme deux gouttes d'eau. Bien que Léo soit plus chétif que son frère cadet. Morgan lui demanda pourquoi il s'excusait et rajouta qu'il n'avait pas à le faire. L'adolescent haussa les épaules tout en poussant un petit soupir, tout ça était de la faute à l'éducation stricte de ses parents.

« Hé bien... Disons que c'est l'habitude, c'est à cause de l'éducation de mes parents. »

Ses parents avaient toujours eut une éducation stricte avec leurs enfants mais ça s'est aggravé encore une fois à cause de l'enlèvement. Les parents du jeune garçon ont toujours voulu qu'il devienne parfait, ils lui mettaient une pression énorme et l'adolescent se contentait de suivre les ordres de ses parents parfois jusqu'à être hospitalisé pour diverses raisons comme le surmenage par exemple. Mais ses parents se fichaient bien de son état et au fond de lui, il le savait. Soudainement, son professeur lui proposa d'apprendre un nouveau morceau de musique, lui au piano et l'adolescent à la guitare. Ce dernier hésita longuement avant de prendre la parole.

« Père disait que c'était une perte de temps mais je veux bien...»

Léo ne voulait pas être insolent, désagréable ou étroit d'esprit en disant cette phrase, il avait juste ressortit ce que son père lui avait toujours dit dans son enfance.  Morgan confia au ruban vert qu'il le comprenait tout à fait ayant perdu sa femme et sa fille dans un accident d'avion, que c'était avec la musique qu'il avait apprit à s'ouvrir de nouveau aux autres et qu'il devrait essayer. L'adolescent releva le regard qu'il avait jusqu'à maintenant garder baissé. Il plongea son regard vert dans celui de son professeur, il se mordilla légèrement la lèvre inférieur.

«Je suis désolé pour vous... Je sais que je devrais m'ouvrir aux autres mais je n'y arrive pas. Je n'ai jamais été très sociable...»

Le jeune adolescent se sentait un peu moins mal à l'aise depuis son arrivée. Il se sentait moins étouffé, moins apeuré par l'adulte en face de lui. Léo se sentait un peu plus à l'aise dans ses propos bien qu'il était encore intimidé, mais son professeur semblait être quelqu'un de sympathique, ne jugeant pas ses élèves et ne s'arrêtant pas à leurs notes pour s'en faire une opinion. Et c'était plutôt bien pour l'orphelinat d'avoir des professeurs de ce genre. Déjà que les enfants, ici, partaient avec des désavantages dans la vie. Ils n'ont pas tous eut des bons modèles comme adultes et les bons modèles sont morts ou portés disparu. Beaucoup d'enfants n'avaient aucun repère dans ce lieu, qui n'est pas non plus un lieu joyeux, faut l'avouer. Entre cette directrice pas vraiment rassurante ni très raisonnable, et cet échafaud comme punition pour certains élèves. Non, ce lieu n'était pas du tout un bon orphelinat et personne ne dira le contraire.

Le jeune garçon se rapprocha de l'adulte pour lire la partition qu'il avait sortit, il fronça les sourcils tandis que Morgan alla jouer sa partition sur le piano. Les pensées de Léo commencèrent à divaguer doucement pour se focaliser sur son frère. Il lui manquait terriblement, lui et sa bonne humeur constante, lui et ses jeux, lui et son énergie. Les deux frères étaient tout le contraire de l'un et de l'autre. C'était plutôt troublant mais amusant. La vue du jeune adolescent commença à se brouiller par les larmes. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas pleuré, les larmes de fatigue se mêlaient à ceux de la tristesse. Il essaya de les refouler en vain, une larme traitresse coula sur son visage. Il était complétement éreinté, ne dormant plus suffisamment depuis bien longtemps. Ses nerfs craquaient encore une fois. Le jeune garçon n'entendit pas la phrase de son professeur, il continua de lui tourner le dos, essayant de refouler ses larmes et de ne pas se faire voir.

Le jeune Léo craquait complètement, son frère lui manquait, ses parents n'étaient plus là pour lui faire pression et ainsi oublier la personne qui était son frère. Et puis, la fatigue s'accumulant et ne voulant pas s'amoindrir ne l'aidait pas non plus. Et le manque de repères dans cet orphelinat n'aidait pas non plus. Léo était fatigué de sa vie, lassé de tout ça et, cette fois, il n'avait pas réussit à retenir ses larmes qui coulaient maintenant abondamment sur ses joues pâles. Malgré la présence plutôt rassurante de l'adulte, Léo n'arrivait pas à se calmer, c'était trop dur pour lui. Les épaules du jeune garçon continuaient de tressauter au rythme de sa respiration entrecoupée de sanglots à peine audible, mais assez pour que le professeur l'entende pleurer.

Celui ci s'approcha et fit face au garçon, l'adulte essuya une larme de l'adolescent. Léo frémit au contact et se mordilla la lèvre, mal à l'aise envers ce geste. Le professeur de musique plaça deux doigts sous le menton du plus jeune pour l'obliger à relever la tête. Néanmoins, Léo continua de regarder vers le bas, fuyant ainsi le regard de son professeur, mal à l'aise. Il n'osait pas croiser le regard de son professeur. Celui ci lui expliqua que pleurer était naturel et qu'il comprenait. Mais Léo secoua doucement la tête. Non, il ne devait pas pleurer, il n'avait pas le droit. Pleurer ne ramènera pas son frère, c'était donc idiot.

"Non... Je n'ai pas le droit de pleurer, professeur. Ça ne sert à rien."

Léo avait vraiment besoin qu'on le rassure mais lui voulait son frère. Il voulait que son frère soit présent à ses côtés, le rassure et le fasse rire. Il avait besoin que son frère lui fasse retrouver sa bonne humeur, son sourire. Mais Ethan ne reviendrait plus et ça faisait encore plus de mal au ruban vert. Il savait qu'il ne reverrait jamais son frère, que les jumeaux Frost, c'était bel et bien fini. Pourquoi ces maudits policiers avaient ils arrêté les recherches? Pourquoi ont-ils classé le dossier? Léo baissa le regard tout en serrant les poings. Il devait rester calme, Léo soupira doucement et essuya ses larmes, sanglotant toujours. Il releva doucement le regard vers son professeur.

"Non. Pleurer ne fait qu'attiser la douleur."

Léo se mit doucement à trembler, il détourna le regard. Il ne pleurait quasiment jamais et maintenant, il craquait devant un professeur. Il prit une profonde inspiration pour essayer de calmer ses sanglots. Un sifflement se fit entendre de la part de la respiration du plus jeune. Léo détourna le regard, rencontrant des difficultés à respirer. Il sentait un poids sur sa poitrine. Voilà l'une des rares fois où il pleurait et il faisait une crise d'asthme. Cette maladie allait elle lui pourrir la vie jusqu'à la fin des temps ou quoi? Léo se mordilla la lèvre, essayant de se concentrer sur sa respiration toujours sifflante et ne pas céder à la panique pour ne pas aggraver les choses.

Léo poussa un petit soupir. Pourquoi ? Pourquoi son asthme s'aggravait il ? Pourquoi était il ainsi ? Pourquoi son frère n'était il pas là pour l'aider comme avant ? Pourquoi n'était il pas là pour le faire rire quand il était cloué au lit ? Oui, tant de pourquoi sans réponse... Léo était au bord de la déprime, il n'arrivait plus à avancer, c'était trop dur pour lui tout seul de supporter tout ça. Il avait essayé de surmonter ces obstacles, en vain. Il était faible, aussi bien physiquement que mentalement. Physiquement, sa maladie lui pourrissait la vie. Mentalement, Léo était détruit par la disparition de son frère suivit de la mort de ses parents, même si le jeune garçon n'avait jamais été très proches de ses géniteurs. Le jeune garçon se mordilla la lèvre, rencontrant toujours des problèmes pour respirer, il ferma les yeux et essaya de concentrer son attention sur son professeur qui demandait s'il avait quelque chose à prendre lors de crises. Léo poussa un petit soupir et chercha où il avait rangé son inhalateur. Il allait répondre à Morgan quand celui ci lui demanda s'il devait aller chercher l'infirmier. Le ruban vert secoua la tête, il ne voulait pas déranger Roméo pour une crise. Léo s'approcha doucement du mur, chancelant un peu. Il s'appuya contre celui ci et se laissa glisser au sol, s'adossant contre le mur. Il releva le regard vers l'infirmier, un regard ayant perdu un peu de vitalité et répondit à sa question précédente.

"Dans mon sac... Près de la porte... Il y a mon inhalateur...."

Le jeune garçon devait rester calme. C'était une simple crise d'asthme, il ne devait pas s'angoisser, cela ne ferait qu'empirer les choses. Léo essayait de respirer calmement, attendant son inhalateur. Ce n'était pas une crise d'asthme aiguë. Cette fois-ci, il ne finirait pas à l'hôpital, il devra juste prendre deux bouffées toutes les dix minutes. L'adolescent essayait de se concentrer sur sa respiration, celle-ci était sifflante. C'était plutôt un bon signe, si la crise aurait été plus grave, on aurait dû mal à entendre sa respiration, comme si elle était bloquée. Le jeune garçon continuait de trembler, il soupira de soulagement en voyant son professeur revenir avec ce qu'il fallait pour calmer sa crise. Léo prit immédiatement deux bouffées. Il regarda l'adulte et se releva pour aller s'asseoir dans un endroit plus confortable que le sol. Dix minutes plus tard, Léo reprit deux bouffées, il respirait pas vraiment beaucoup mieux que tout à l'heure. Le petit garçon grimaça, il ne voulait pas que sa crise empire. Il serra son inhalateur dans sa main, tremblant légèrement. Il poussa un petit soupir et essaya de sourire d'un air rassurant pour ne pas inquiéter son professeur.

"Merci monsieur..."