Fallait pas croire, Mary ne s'ennuyait jamais. Il y avait toujours quelque chose à faire, et quand elle avait fini de lire quelques dossiers d'administration, elle se contentait d'observer un orphelin à l'échafaud par sa fenêtre. On pourrait même dire que c'était un de ses passe-temps préférés. Et cette manie était tellement sadique qu'elle se mettait à rêvasser, tout en restant devant sa vitre.

En fait, sa vie se résumait à un incessant train-train quotidien, sa routine se répétait, encore et toujours, si bien que, dès le réveil, elle savait exactement ce qu'elle allait faire de sa journée. Les seuls jours qui méritaient une place dans son esprit étaient ceux où elle réunissait tous les orphelins, ou lorsque des villageois venaient adopter un des enfants. C'était très rare, mais elle ne supportait pas l'excitation qu'on ressentait dans le hall à ces moments-là. Parfois, mais très rarement, les adultes venaient directement prendre rendez-vous dans son bureau pour parler d'adoption, mais bien souvent, Mary les envoyait bouler sans demander son reste. Elle ne supportait pas qu'on vienne la voir en personne.

Ce jour-là, une certaine Rose Dinuxi avait demandé à la voir. Alors lorsqu'on toqua à la porte, elle se posta debout derrière son bureau avec une tête de six pieds de long. Elle vit entrer la villageoise, et la reconnu aussitôt comme étant la femme qui lui avait répliqué qu'elle n'avait pas de cœur. Moor ne l'avait pas mal pris, mais elle s'était intérieurement vexée, donc la conversation ne serait pas bien longue.

« Vous avez demandé à me voir, je crois ? » fit-elle d'un ton peu engageant. « Asseyez-vous. Vous désirez donc adopter un de mes orphelins. Puis-je vous demander qui vous a tapé dans l’œil ? »

Son ton était très froid, comme si elle allait se changer en bloc de glace à tout moment. Elle s'assit elle-même derrière son bureau en gardant un air neutre, et posa les yeux sur son bureau propre et bien rangé. Elle n'aimait pas le désordre, alors tout était récuré à la perfection.

Mary toisa la jeune femme. Elle était prête à l'envoyer balader sur le champ, mais sa requête l'intéressait. Elle aimait bien faire mijoter les gens comme ça, tester leurs réactions pour ensuite les décevoir. Elle comptait bien refuser, rien que ça... sauf qu'elle échappa un hoquet de surprise en entendant les noms des sœurs Océan. Elle faillit remercier Rose à chaudes larmes, mais retrouva rapidement sa dignité avant de déclarer, un petit sourire aux lèvres :

« Oh... Je vois. D'abord, quelques petites questions. Où et comment avez-vous rencontré les jumelles Océan ? Parce qu'il faut bien que vous ayez parlé avec elles pour connaître leur nom... N'est-ce pas ? »

Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres. Elle allait bien s'amuser. Voir la jeune femme se démonter provoquerait un plaisir si grand qu'elle se ferait une joie de donner son verdict. L'interrogatoire promettait d'être long... Mary avait tellement de choses à dire ! Tellement de choses à savoir aussi... Et il y aurait la procédure : le formulaire à remplir, tout ça...

« Écoutez-moi, mademoiselle. Si vous devez les accueillir seule, je me devrai de refuser. Mais si vous avez un compagnon, un mari, ou qui vous voulez qui vit avec vous... je pourrais peut-être pencher pour l’adoption, en effet. Mais sans ça, je ne vous garantis rien. »

Elle vrilla son regard glacé dans les yeux de Rose, mi-amusée, mi-nostalgique. Elle ne se l'avouait pas, mais Cassiopée et Calysa avaient une place bien définie dans son esprit. Elle ne les aimait pas beaucoup, certes, mais s'amusait de leurs bêtises – en particulier de celles de Cassie, étant donné que sa sœur ne la suivait pas toujours. Mais s'en débarrasser lui ferait le plus grand bien. Or, elle ne voulait pas capituler devant la villageoise...

Cette femme me glaçait le sang ! Je n'ai jamais, dans ma vie, rencontrée de femme aussi froide et méchante. Je tentais de garder mon calme du mieux que je pouvais.

    « Tout à fait, je les ai rencontrées. Je les ai rencontrées après la réunion que vous avez organisée la fois dernière. Lorsqu'elles sortaient de la salle, je les ai malencontreusement percutées. Ca nous à donné l'occasion de parler un peu. Je les ais tout de suite appréciées !!  »

   Je l'avais échappé belle ! J’espérais qu'elle allait me croire, sinon j'étais foutue, du moins, pas moi mais Cassiopée. Elle fit encore quelques gestes et grimaces, puis elle me demanda :

      «  Écoutez-moi, mademoiselle. Si vous devez les accueillir seule, je me devrai de refuser. Mais si vous avez un compagnon, un mari, ou qui vous voulez qui vit avec vous... je pourrais peut-être pencher pour l’adoption, en effet. Mais sans ça, je ne vous garantis rien.  »

   Heureusement pour moi, il y a quelques jours, lors d'un rendez-vous avec Mat, alors que je me doutait que cette question allait paraître, je lui avait demander, en tout bien tout honneur, s'il accepterais de venir avec moi. Il avait répondit par l'affirmative ! Je lui répondit donc :

      «  Et bien, figurait vous que je suis en couple, vous devez le connaître, il s'appelle Mat HUDSON, c'est le photographe du village.  »

  J'espérais vraiment que je pourrais adopter les deux jeunes filles !
   


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Mary gardait toujours son air ennuyé. Elle ne voulait pas montrer qu'elle était intéressée par la proposition de Rose, et qu'elle rêvait depuis des années de se débarrasser des sœurs Océan. En vérité, elle était sincèrement joyeuse, et puis elle tenait au bien-être des pensionnaires, alors une famille pour Cassiopée et Calysa était un heureux événement. Parfois, la directrice pouvait être gentille si elle le voulait. C'était une de ses caractéristiques, car quand elle était de mauvaise humeur, elle était littéralement détestable. Mais elle pouvait, de temps à autre, être guillerette et passer une bonne journée, notamment quand elle se savait à l'abri des Wilson.

Mais, rien que de penser à ces quatre gamines dissipées (ou plutôt deux, foncièrement), cela l'énervait, et elle se sentait de moins en moins encline à accepter l'adoption. Puis elle sourit et fixa la jeune femme dans les yeux, ce qui avait le don de faire hésiter son interlocuteur. Mary faisait tout pour faire vaciller l'assurance de la personne en face d'elle, et elle avait réussi plus d'une fois. Alors il n'y avait aucune raison pour que Rose s'enfonce à son tour, malgré sa détermination.

« Eh bien », fit la cruelle directrice. « Vous en aurez, du boulot, avec ces gosses-là. »

Elle était sincère. Elle-même avait eu du mal à diriger à la baguette les deux orphelins, alors Rose ! Ça serait une toute autre paire de gants. Puis la nouvelle venue lui parla de Mat Hudson. Bien sûr, il était connu, mais il se pouvait que Rose raconte des craques. Alors Mary demanda :

« Le photographe ? Bien sûr que je le connais. Mais avez-vous un livret de famille ou tout autre preuve de votre union ? »

Tant pis s'ils n'étaient pas mariés, la vieille femme voulait que Rose soit dans un couple sûr et indestructible. Il y avait quand même un minimum à être directrice. Elle savait tout de même s'occuper de ses pensionnaires quand il le fallait, même si elle les appréciait autant qu'une pile de chaussettes sales.

Pour le moment, Mary semblait plutôt favorable à l'adoption. Cela lui éviterait sans aucun doute de vivre l'enfer qu'elle avait vécu sous le règne des Océan... en particulier de Cassiopée. Il y avait aussi les sœurs Wilson, mais c'était une autre histoire. Rose, en adoptant les deux gamines, prendrait l'entière charge et responsabilité des dégâts qu'elles causeraient, et cette perspective rendait la directrice heureuse. Mais elle voulait, tant que son esprit sadique le lui permettait, faire mariner un peu la jeune femme. C'était son rôle, après tout.

« Je ne compte pas vérifier, je vous crois. »

Au pire, elle vérifierait plus tard. Mais ce Mat Hudson ne lui inspirait pas vraiment confiance, elle avait l'impression qu'il n'avait été mêlé à tout ça que parce qu'on le lui avait demandé, et pas parce qu'il le souhaitait, lui. Mais après tout, elle n'en savait rien, alors inutile de se mêler des affaires des autres. Mary croisa les mains au-dessus de son bureau et fixa Rose droit dans les yeux. Cela déstabilisait souvent son interlocuteur, quel qu'il soit, et elle aimait bien voir la jeune femme hésitante.

« Encore une dernière question, s'il vous plaît. Quelle est la véritable motivation derrière tout ça ? Qu'est-ce qui vous a poussé à vouloir adopter les deux Océan ? »

Son ton se faisait moins sec, plus chaleureux. Après tout, elle n'était pas un robot dénué d'émotions, mais un être humain. Elle avait le droit d'être reconnaissante et d'approuver un projet, une personne. Pour le moment, elle était satisfaite d'elle-même. Elle aurait simplement voulu que Rose soit moins insolente. Simplement.