Esther était là, complètement perdue. Elle errait seule, sans même savoir où elle se rendait. La jeune femme avait fini de se terrer dans un coin, elle devait bouger. Certainement pas parce qu'elle le voulait, mais plus parce qu'elle en avait besoin. Comme si elle n'avait eut le choix. De petits yeux, des cernes, une plus pâle qu'à son habitude, tout était là pour témoigner que sa santé se dégradait peu à peu. Peut-être était-elle malade, ou peut-être était-ce le manque de sommeil auquel elle s'était habituée. En réalité, Esther ne demandait même pas à savoir, tellement elle s'en fichait. Si son état s'aggravait, alors tant mieux. La rousse pouvait bien se laisser mourir, maintenant. De toute façon, il n'y avait plus personne pour l'en empêcher.
Esther ne savait pas bien si elle était perdue, elle ne reconnaissait de toute façon plus rien, maintenant. La tempête avait fait des ravages, de nombreux dégâts matériels et humains. Des morts, des disparus, et des gens détruits dont faisait partie Esther. Il ne lui restait plus rien, de ce qu'elle avait pût construire il y a des années. Il ne restait pas même un espoir chez la rousse. Absolument rien. Tout semblait s'être envolé, tel une feuille morte balayée par le vent. Esther était cette fille vide, au regard vide, sans aucune émotion. Elle n'était qu'un être humain sans réelle place dans ce monde, cet être inutile à la société. Elle avait d'ailleurs toujours été cette chose, cette personne existante sans qu'elle ne sache pourquoi.
Vêtue d'un pull noir et d'un pantalon de même couleur, la jeune réfugiée n'avait pas grand chose pour se réchauffer. Cependant, elle ne s'en plaignait pas. Elle aurait pût devoir survivre à poil dehors, alors que là, elle avait quand même des vêtements. De toute façon, la jeune femme avait l'habitude d'avoir froid. Autrefois, elle restait parfois des heures assise dehors lors de nuits d'hiver, avec un simple t-shirt. A faire quoi ? Rien, absolument rien. C'était son truc à elle, de ne rien faire, parce qu'elle n'avait rien à faire. Plus de travail, plus d'argent, plus de vie. Tant mieux, pouvait-elle dire.
Esther marchait sur cette herbe où trainait, par-ci par-là, quelques feuilles de salades, qui avaient elles aussi sûrement eu espoir durant cette douloureuse tempête. Elles avaient probablement essayé de s'accrocher, en vain. Esther ne se surprit pas à penser qu'elle aurait préféré finir comme cela, aussi. A être emportée par le vent, sans une ombre de vie. Tout était si triste, sur cette île. Les anciens habitants ne portaient même plus leur sourire. En même temps, difficile ces temps-ci.
Esther ne faisait guère attention à ce qu'il se passait autour d'elle. Elle était bien trop occupée à regarder le sol sur lequel elle marchait. Elle ne semblait pas avoir vu cette jeune femme, allongée sur le sol un peu plus loin. Pourtant, si elle avait voulu faire attention, elle l'aurait fait. Mais Esther était bien trop triste pour faire attention à quoi que ce soit. Les mains dans les poches de son jean noir, elle laissa échapper un long soupir. La rousse allait avoir du mal à survivre, seule. Parce qu'elle n'était pas sociable, pas du tout, et qu'il était hors de question de demander de l'aide. La rousse préférait crever plutôt que cela. Ne bougeant plus, elle releva finalement la tête, regardant le ciel. Un léger et triste sourire étira ses lèvres. Pourquoi ? Pourquoi souriait-elle dans les moments où elle était le plus triste ? Esther n'en avait aucune idée. Cela ne servait à rien, strictement à rien, et pourtant elle le faisait.
Quelques minutes à peine qu'elle était ainsi, et tout refaisait surface. Absolument tout. Shay. Pourquoi n'était-elle pas restée à ses côtés, pourquoi l'avait-elle laissée seule ? Esther savait pourtant bien que ce n'était pas un choix de la jeune femme. Mais maintenant, la voilà seule. Elle n'avait d'autre choix que de se débrouiller ainsi, parce que sinon, elle ne s'en sortirait jamais. Sauf que le problème, il était aussi là. Elle était incapable de s'en sortir seule, incapable de faire quoi que ce soit seule. Elle se sentait abandonnée, mais terriblement. C'était quoi, cette vie ? Alors c'était ainsi tracé, une vie triste, dans son intégralité ? Esther ne pouvait plus se retenir. Fondant littéralement en larmes, elle cacha son visage entre ses mains, pour se cacher comme si elle avait senti la présence de cette jeune fille, plus loin. Elle ne voulait pas se faire remarquer, elle ne voulait pas se faire voir ainsi.