Marlene se lève avec l'horrible impression qu'elle ne tiendra pas la journée. Elle pose une main sur son ventre qu'elle sent poindre sous sa chemise de nuit, mais la retire aussitôt avant de jeter des coups d’œil effrayés autour d'elle. Elle a encore oublié qu'elle est seule... et cette sensation est de plus en plus persistante. Elle déteste ça ; se rendre compte tout à coup qu'elle a mal agi alors qu'elle était exposée au regard des autres depuis le début. En soupirant, Marly entreprend de repousser le drap à l'autre bout du lit. Sa peau est couverte de chair de poule, mais elle n'en a cure, ça lui arrive tous les jours en hiver. Elle entend un éternuement de l'autre côté du dortoir, ce qui achève de réveiller les quelques filles qui ronflaient encore. Tout est silencieux et prodigieusement calme. Personne n'ose bouger. À cette heure, d'ordinaire, les surveillants auraient déjà dû les réveiller...

Marlene se lève sans se soucier de ses pieds nus contre le carrelage glacé. Son œil est attiré par la fenêtre d'une pâleur étonnante et elle pousse un grand cri en voyant la cour recouverte d'un grand manteau blanc. Elle s'approche rapidement de la fenêtre, tout excitée, n'y croyant pas ses yeux. C'est tellement beau ! Et tellement rare par ici ! Un grand sourire aux lèvres, la jeune fille se sent beaucoup plus revigorée. Les cours seront suspendus, c'est certain ! Ils passeront la journée à se les geler, mais se les geler en s'amusant, c'est beaucoup plus intéressant ! Alors que les autres filles se ruent elles aussi à la fenêtre en criant et en riant, Marly jette un coup d’œil dans le dortoir d'à côté, celui des garçons par excellence. Voyant que Léandre a encore les yeux fermés, elle n'ose pas s'approcher pour le réveiller, décidant de le laisser découvrir cette belle surprise par lui-même. Tout en contenant sa joie, elle s'habille en vitesse, enfile des bottes et se précipite dehors, plus entraînée par la foule qu'autre chose.

Elle aime bien ce tumulte joyeux, et ce sera sans doute la chose qui lui manquera le plus quand elle partira d'ici. Le départ est d'ailleurs pour bientôt, et c'est cette pensée qui la fait tenir. En souriant, elle se demande par quoi commencer : bonhomme de neige ou bataille de boules de neige ? Une flopée de souvenirs remonte alors à la surface, mais elle les noie rapidement pour ne pas avoir affaire à la nostalgie. Au lieu de ruminer toute seule, elle se baisse et ramasse assez de neige pour former une boule. Ça tient ! Elle la lance alors aussi loin qu'elle le peut, enfin sur la première personne qui entre dans son champ de vision... à savoir Léandre lui-même. Avant qu'elle n'ait pu le reconnaître, la boule l'atteint au torse. Elle se met à rire, inexplicablement excitée par ces petits jeux. Sûrement parce qu'elle n'a pas pu en profiter enfant...

Elle voit alors la boule de neige qui revient, celle de Leah, mais met trop de temps à l'esquiver... et elle la reçoit en plein dans le cou. Elle se met à crier alors que la neige lui dégouline le long du dos, tentant de se l'ôter sans trop de dégâts. Elle se met à trembler, mais parvient finalement à se baisser pour attraper de nouveau de la neige, s'approche de Léandre et lui en colle dans le cou. Ça la fait rire. Elle avait oublié combien elle pouvait être heureuse des simplicités de la vie...