Aujourd'hui était un jour ensoleillé comme je les aimais. J'avais du temps à perdre et comptais bien l'utiliser à bon escient. Malheureusement, je ne m'étais pas encore fait assez d'amis dans l'orphelinat pour réellement apprécier une sortie en compagnie de quelqu'un. En claquant la porte du dortoir, je sortis, sautillant légèrement, un air enjoué se dessinait sur mon visage, c'était bien la première fois que ça se produisait depuis que j'avais fait mes premiers pas dans l'orphelinat. Peut-être est-ce parce que cela faisait deux semaines que j'arpentais ces murs ? Que j'apprenais enfin à vivre sans mes parents, me battant et acceptant la colère que je ressentais. Il était temps pour moi de passer certaines étapes, de caresser la vie, ses joies tout comme ses peines, et enfin, je n'étais plus dans le déni face à la mort de mes parents, bien qu'ils me manquaient à un point que personne ne pouvait imaginer. Ma mère était ma meilleure amie, et mon père, celui qui me distrayait et m'apprenait à surmonter tout ce qui m'entourait. Ils m'avaient rendue forte, et je devais leur prouver que ce n'était pas en vain. Je caressais le mur du bout des doigts tandis que je me dirigeais vers les jardins.

Enfin arrivée, je ne voyais personne autour de moi, je haussais les épaules, ce n'était pas grave, j'avais appris la solitude, et sa compagnie ne me gênait plus. Vivre avec moi-même ne me dérangeait pas, mes parents m'avaient appris à m'apprécier telle que j'étais, et avait renforcé mon assurance par la même occasion. Je tournoyais alors sur moi-même, le regard planté vers le ciel, les bras déployé comme les ailes d'un aigle royal en plein vol. Je m'étais mise à chanter « Where is my mind » des Pixies, en me demandant réellement où j'avais laissé mon esprit. Depuis que j'étais ici, ma tête n'avait été qu'un fleuve rempli de mauvais souvenirs, dont cette chanson aurait pu être le titre. Je n'étais pas triste pour autant, bien que je chante cela, mais je ne pouvais cesser de penser à ce que j'avais vécu cinq semaines plus tôt. Je tournais encore et encore, fermant les yeux et appréciant la douceur de ce feu naturel sur mon visage, mes cheveux. Le soleil était si beau, c'était une des joies de la vie que personne ne prenait le temps d'apprécier et maintenant que j'avais tout perdu, je ne trouvais du bonheur qu'en ces petites choses. La sensation d'une douce pluie s'écoulant sur ma peau frêle, la chaleur d'un soleil me faisant rougir, l'odeur d'une forêt reconnaissable parmi tant d'autres, et une musique aux émotions et paroles fortes pour apprécier davantage tout ce que je venais de citer.

A force de tourner, jusqu'à n'en plus pouvoir, je n'avais pas vu à quel point je m'étais déplacée dans les jardins, jusqu'à ce que je me cogne contre une pierre. Un grand « Ouch » s'échappa alors de mes lèvres tandis que j'appuyais mes doigts contre mon arcade. Je m'étais un peu ouvert, rien de méchant, ce n'était que du sang après tout. Je regardais ce maudit escalier qui m'avait infligé ceci, avant de m'apercevoir qu'un jeune homme se trouvait là, en dessous de l'escalier, la musique dans les oreilles. C'était sympa de voir que quelqu'un appréciait aussi cette journée et les joies de la musique, il ne restait plus qu'à savoir si ce qu'il écoutait s'apparentait à ce que j'aimais. Je me positionnais donc bien devant lui, l'arcade toujours un peu saignante avant de m'adresser à lui, d'un air plutôt enjoué, en tout cas, avec un grand sourire.

« Salut ! J'm'appelle Kate, t'es qui toi ? »

J'étais un peu brusque, mais je n'avais jamais été diplomate, et en général, les gens n'appréciaient pas réellement le ton que j'arborais pour leur parler, bien que ça n'ait rien de méchant. En tout cas j'affichais mon plus beau sourire en guise de sympathie, après une phrase aussi sèche. Mais après tout, je ne le connaissais pas du tout. En effet, après quinze jours dans cet orphelinat je n'avais toujours pas rencontré ce garçon, en tout cas, je n'en avais pas le souvenir. Il avait un air angélique de ce qui réchauffait les cœurs. D'ailleurs, il était plutôt mignon. A cette pensée, je me surpris moi-même, je n'étais pas du genre à penser aux garçons, mais plutôt à les considérer comme des potes, j'étais un genre de petit mec, mais il fallait avouer que les cheveux mi-longs, un regard aussi profond, et des traits expressifs comme les siens étaient le genre de choses qui attirait beaucoup mon attention. Certaines préféraient les beaux, les grands, les musclés, ou tout ce que vous voulez, quant à moi, j'aimais la force de caractère, l'expression des sentiments, et un peu d'humour aussi. En tout cas, j'avais toujours recherché les gens « vrais » parmi mes amis, et c'est ce que je ressentais avec ce jeune homme, il ne restait plus qu'à voir si ce que je pensais aller se révéler vrai.