Comme chaque midi à l'orphelinat, je prenais place sur une table, légerement en retrait des autres. Mais c'est ainsi que je me sentais le mieux. Rien qu'à me faire à l'idée de devoir tenir une discussion avec quelqu'un me faisait peur. Et si par miracle je me faisais accepter sur une table, encore faudrais-t-il que je puisse parler sans avoir l'air d'un débile profond, car ma timidité prendrais le dessus à tout les coups.
Mais j'avais fait un grand pas ces derniers temps. J'avais réussi à m'ouvrir à quelqu'un. Une fille des rubans rouges, plus mature qu'elle ne le laissait paraitre et en mesure de comprendre mes souffrances. Même si au fond, cela ressemblais plus à un coup de chance qu'une décision propre. En soi, je n'avais rien fait d'extraordinaire, je n'avais fait que répondre à ses questions. Mais savoir que j'étais apte à communiquer avec quelqu'un sans pour autant lui répondre par des injures m'avait redonné une sorte de confiance en moi.
Je m'installais donc dans ce grand self, et baissais le regard sur mon plateau. Après avoir passé en revu les aliments constituant mon plateau, je repoussait celui-ci, sans même y avoir touché. Quelques rouges chahutaient dans les couloirs de tables, tandis que d'autres verts, s'attablaient ensembles et me jetaient des regards de mépris. À cette vue, je détourna mon regard à l'opposé, et j'aperçu une autre verte. Son visage me disait quelque chose. Je l'avais déjà vue en études. Et lorsque je la vis se tourner vers moi pour me dé visager à son tour, mon regard se rua automatiquement sur mon plateau. Mais manque de chance, la fille en question tourna alors une fois pour toutes les talons en ma direction.
Et c'est à ce moment là qu'une multitude de questions se bousculèrent en moi. Allais-t-elle vraiment s'asseoir ici ? Ou simplement passer son chemin ? Et si elle s'arrêtais à ma table.. Qu'allais-je bien pouvoir lui dire ?
Mais trop tard, la fille s'installais maintenant juste en face de moi, et j'osais à peine lever les yeux pour affronter les siens. Je finissait tout de même par lâcher, bien que pas dans mon élément, une brêve formule de politesse.
« Salut... »