Ce que Maelys détestait le plus, c'était quand sa sœur partait bouder dans son coin. Elle n'y pouvait rien si Alice s'ennuyait, elle n'avait qu'à être plus productive ! Depuis quelques temps, un grand fossé s'était creusé entre la personnalité de Mae et celle d'Alice. Tandis que la première mûrissait, l'autre gardait une âme d'enfant. Maelys cessait de courir partout, de s'amuser comme n'importe quel gamin, et privilégiait les activités des autres filles de son groupe, soit des bavardages entre les cours, et des initiations au maquillage qu'elle se prêtaient en cachette pendant les pauses.

Alice finirait bien par comprendre que sa jumelle trouvait ses jeux trop puérils, mais pour l'instant, disparaître dans un coin de l'orphelinat semblait faire partie de ses hobbies. Alors Maelys se mettait à la chercher, parce qu'elle détestait les conflits, et qu'elle ne voulait pas que sa sœur fasse n'importe quoi sans elle.

Elle arpentait donc les couloirs dès qu'elle le pouvait, s'exaspérant de ne trouver personne qui l'aurait vue quelque part. Ce n'était pourtant pas compliqué... Toujours la même chose : une petite fille aux mêmes cheveux qu'elle, aux même yeux, au même visage... Et, à chaque fois, elle revenait bredouille. En cours, Alice restait froide, au fond de la salle, muette comme une tombe. Lorsque Mae tentait d'aller lui parler, sa sœur se défilait en répliquant qu'elle avait des choses à faire.

Un samedi matin, alors que la fillette vagabondait, hasardeuse, dans les couloirs, elle entendit dire qu'Alice se terrait dans les dortoirs des rouges. Elle s'y précipita, trop anxieuse pour réfléchir, et découvrit sa sœur, les bras autour des genoux, sur son lit. Maelys s'assit doucement près d'elle. Il y eut un long silence, après lequel elle déclara enfin :

« Je crois qu'il est temps de régler nos différends. »

Il était plus que temps, même. Mae en avait marre de lui courir après pour obtenir des réponses qu'elle n'avait même pas. Elle pencha la tête sur le côté, et un grand sourire vint éclairer son visage, qui se voulait rassurant. Alice pouvait tout lui confier ; elles étaient sœur, et la fillette ne voyait pas pourquoi elle ne pourrait pas la consoler. Elle pouvait la comprendre. Elle devait la comprendre.

« Que me reproches-tu, au juste ? » demanda-t-elle après un nouveau silence.

Elle était plus curieuse qu'inquiète, maintenant, parce qu'elle savait Alice en sécurité auprès d'elle. Elle décrypta le désespoir sur le visage de sa jumelle comme la peur de voir Mae s'éloigner, mais la fillette comprenait un peu mieux sa sœur maintenant. Peut-être était-elle jalouse ? Jalouse de la voir s'extasier hypocritement devant les cheveux des autres filles pour s'attirer leurs faveurs ? Jalouse de la voir faire tourner la tête des garçons dans l'orphelinat ? C'était sûr qu'Alice ne plairait pas si elle continuait à gambader sans but dans la cour. Maelys sourit gentiment, comme si elle avait affaire à un malade mental. Non... ce n'était pas la bonne attitude à adopter.

« Dis, ton mutisme commence à devenir agaçant. »

Un pli se forma entre ses sourcils, signe qu'elle allait bientôt se mettre en colère si elle n'obtenait pas de réponse. Elle s'assit plus lourdement sur le matelas d'Alice, un regard menaçant la mettant en garde sur ses intentions de la faire parler.