C'était encore une journée monotone où Jun ne faisait qu’errer dans l'établissement. Un mercredi après-midi ou il faisait froid. C'était assez désagréable comme journée. L'air était cru, le ciel grisâtre, et il ne manquait plus à l'air froid de venir s’immiscer dans les murs du bâtiment. Elle n'était pas spécialement de mauvaise humeur, mais l'adolescente était prête à se laisser aller aux aléas de l'irritation. Bien sûr, elle se contenait. Elle n'avait pas envie de s’énerver toute seule contre... Contre le temps ? C'était bien pour cela qu'elle se retenait. Aujourd'hui, c'était une journée comme les autres, une journée trop calme même, et Jun avait envie que les choses sortent de leur ordinaire. Par ailleurs, elle avait besoin de compagnie, elle avait besoin de parler un peu, de tout et de rien. Jun pensait déjà au moment ou elle en arriverait à être face à quelqu'un, ce moment où elle aura signaler son besoin d'engager la conversation, mais que rien ne sortirait. Sa tête était bien trop vide. Elle s'ennuyait trop, et ne savait pas quoi faire.

Elle passa devant l'infirmerie. Une simple idée l'avait prise. Ou plutôt, elle n'avait pas réfléchit. Elle ne réfléchissait jamais. Elle empoigna la porte, lasse, et entra. De toute façon, elle avait des médicaments à récupérer, allergique comme elle était au pollen. Et oui, c'était un temps froid, mais... C'était le printemps. « Bonjours Madame ! Je viens récupérer mes anti-allergènes ! Euh, je suis Jun Okireba... » Fit-elle d'entrée de jeu, le ton hésitant. Ce n'était pas la meilleur des manières du monde d'aborder quelqu'un, et de ce fait, Jun ignorait comment elle pouvait réorienter la conversation. Enfin bon, elle verrait bien comment ça se présenterait. L'adolescente ne connaissait pas bien l'infirmière. Seul son nom lui venait en tête. Madame Hellsin. L'adolescente n'avait pas souvent l'occasion d'entrer à infirmerie, mais à chaque fois qu'elle si rendait, la douce odeur de lavande planant dans l'air avait le don de l'apaiser, et pour sûr, Jun en perdait à chaque fois l'impression d'être dans un orphelinat. Cette salle était reposante, et si elle le pouvait, Jun s'y rendrait tous les jours. Mais bon... Encore fallait-il qu'elle en trouvât le temps, et une raison.

Vraiment, cette infirmière, elle avait l'air très agréable, et vraiment Jun espérait juste pouvoir y retourner régulièrement. Un peu de chaleur, ça ne lui faisait pas de mal. Des amis parmi les pensionnaires ? Ça n'avait pas le même effet qu'une adulte. Non, vraiment, les adultes étaient plus mûrs, plus clairvoyant, plus amicaux, et les mauvaises pensées, la haine, tout ces sentiments... Ils savaient mieux les refouler. Elle prit son cachet. Bien sûr, ce n'était que de la prévention. Même si c'était la saison, elle n'avait pas encore ressentit les malheurs de son allergie. Ainsi, elle pouvait tranquillement répondre d'un sourire : « Oui ça va pour le moment ! j'ai pas une grande toux encore. » Elle restait assise, ne bougeant pas, ne sachant pas quoi dire.

Et finalement, le miracle survint. Elle pouvait rester encore un peu. Elle le pouvait. Un café. C'était déjà un début. Ses yeux s'illuminèrent. « Oh oui ! je veux bien ! J'ai rien à faire, je m'ennuie un peu. » Elle continua d'observer l'infirmière, toujours souriante, ayant envie d'extérioriser encore plus le bonheur qui la prenait. Ce ne serait pas une journée si exaspérante au finale, et elle s’avérerait peut-être même bien ! Vraiment. Cette infirmerie rejetait tout entièrement l'ambiance désagréable et humide qui se dégageait de dehors, pour laisser place à cette fraîcheur de printemps mêlée à cette douce chaleur humaine. Et puis quoi... Une nouvelle connaissance, ça ne faisait pas de mal. Parler à des adultes, c'était intéressant.

« En plus... Je suis même pas venue en pensant vraiment à mon allergie, je voulais un peu de compagnie... » Et elle était vraiment franche. Et directe. Cela ne servait à rien de vraiment cacher son but. La franchise. C'était bien quelque chose dont elle était facilement capable. C'était ce qui énervait son entourage. C'était ce qui l'a rendait lunatique. Trop franche et trop directe. Oui. Mais bon, après tout, qu'avait-elle à y perdre. « On peut parler un peu si vous aussi vous n'avez rien à faire... » Et finalement, aucun sujet de discussion ne lui venait vraiment en tête. Et ce n'était pas le moment de sécher comme ça. L'atmosphère en deviendrait vite tendue. Et pour finir, seules les petites questions innocemment banales et dénuées d’intérêt parcouraient sa bouche. « Comment vous êtes devenue infirmière, et comment vous êtes arrivée ici, sans être indiscrète ? » Mais elle l'était. Malgré elle. Enfin bon. Jun était toujours spontanée. Et elle était curieuse de le savoir. après tout, madame Hellsin était assez nouvelle dans le bâtiment.

Jun écoutait l'infirmière déballer son récit encore et toujours les yeux aussi illuminés. Elle s'amusait rien qu'à entendre cette simple histoire, parce que rien que de l'entendre suffisait à l'adolescente à se sentir entourée. Savoir des choses sur les autres, pouvoir faire de ses connaissances la base d'un lien, cela la plaisait vraiment. « Ha ! Je comprends ! Mais comment je devrais vous appeler ? », Fit-elle, souriante. Eh bien oui, elle était jeune l'infirmière. L'appeler par un « madame » devait être bien vexant. Mais peut-être que sa question manquait de politesse. Elle répondait comme su de rien n'était, avec une question vraiment étrange pour une relation d'élève à infirmière d'établissement.

« ... Je crois que je vais m'orienter dans le même genre d'études que vous. Peut-être pas infirmière, mais au moins dans un secteurs où je pourrais travailler sur orphelinat. J'ai vécu ici une bonne partie de ma vie en fait. Mais j'ai jamais su l'intégrer. C'est peut-être pour ça que je donne l'air d'être nouvelle ici. Mais en fait, c'est la deuxième vie cet endroit. » Jun marqua une courte pose, pour ainsi boire un peu de la collation qu'elle appréciait tant, et reprit la gorge encore à demie entravée, ce qui traduisait bien l'énergie que l'adolescente avait à revendre.

« Je me plait ici en quelques sorte. Même si j'arrive pas à oublier mon autre vie. Ma famille quoi. Moi aussi je parle beaucoup ! Alors que je ne vous connais pas tant que ça. Je dois bien vous aimer. » Elle sourit entre une autre gorgée. « Vous savez, j'aime beaucoup la directrice. Je sais qu'elle doit pas vraiment aimer les enfants d'ici en fait. Ça se vois. Je saurais pas vous dire comment, mais ça se voit. Mais je l'aime beaucoup. Pas vous ? Enfin bon, j'ai pas de raison de l'aimer comme ça. Mais bon. » Elle se mit à rire, de ses rire bien franc résultant d'une bonne blague. Pourtant ce n'en était pas une. Mais bon. Jun pensait vraiment pouvoir parler comme bon lui semble à l'infirmière. Elle semblait si... Proche. Elle devait vraiment cacher une âme maternelle. C'était agréable. « Je sais même pas trop pourquoi je suis venue réclamer un peu de compagnie. Je dois me sentir seule surement. Je pense vraiment que ça me ferait du bien de parler à toute sorte de gens. Pas vous ? »

Réfléchir, ce n'était pas l'activité favorite de Jun. Comment l'appeler ..? Bah... Elle n’avait qu'à pas l'appeler. Elle éviterait simplement de l’interpeller, et ferait en sorte d'être vue par l'infirmière pour lui dire ce qu'elle veut faire entendre. C'était stupide quelque part. Mais en y réfléchissant bien... La solution n'était peut-être pas si compliquée que cela à trouver... L'adulte repris la parole, exprimant ainsi une frustration de ne pas trouver de solution. Et sur ces derniers mots, Jun lâcha un petit « Infirmière ? » Mais ayant mêlé ce seul petit mot à la fin de la phrase de cette dernière, Jun avait peut-être exposé une solution inaudible. Pourtant, elle souris elle aussi, face à tant de bonnes intentions de la part de la salariée.

De plus, elle lui avait si promptement proposer de l'aide pour ses futures études, et les yeux de l'adolescente s'en retrouvèrent de nouveaux illuminés. « La médecine... Ce serait c'est vrai que ce serait vraiment génial ! Mais c'est vrai que la psychologie est un sujet qui me passionne ! Me retrouver au milieu d'enfants instable pour tenter de les comprendre et les guider sur de meilleures bases... Ça doit être assez amusant quelque part ! Pardonnez-moi si je manque d'humanité, mais disons que j'aime beaucoup « m'amuser » dans ce qui est humanitaire ! » Trop de répétition dans cette phrase. Mais c'était voulu. Jun insistait sur ce mot. Elle n'aimait pas voir les gens sourire, bien sûr. C'était vraiment dans ce secteur qu'elle voulait s'orienter. Et notamment pour aider les enfants susceptibles d'être dans son cas de figure. Elle s'imaginait déjà, plus vieille, avec quelques rides, dire à des orphelins « Oh vous savez, je vous comprends tout à fait ! Je suis comme vous ! J'ai perdu mes parents très jeune ! »

Et là encore, Jun ne put s'empêcher de couper la parole à l'infirmière. Elle venait de lui poser une question ! Et tout d'un coup, refusait d'en recevoir la réponse. « Ma famille, elle était vraiment géniale. Je passais un peu pour la pourrie gâtée de la classe, et pourtant, on m'aimait bien. Je n'avais rien à envier autres familles. J'étais assez libre, et lorsqu'on me restreignait certaine libertés, je sentais bien que ce n'était pas pour rien. À mon avis, mon éducation avait dû être bien commencée. » Et pourtant, elle en ressentait rien face à ses propre paroles. Bien sûr qu’elle se sentait mal tout au fond d’elle de prononcer des mots normalement capable d’attiser sa tristesse. Mais non. Elle avait appris à la refouler. Du moins, à ce sujet. Et elle se sentait d’autant mieux à agir de façon irréfléchie et trop expressive, plutôt que d’être impassible et livrée toujours à ses pensées. Elle avait la tête remplie de choses inutiles. Toujours. Elle n’avait jamais la tête à penser à de vrais et sérieux sujets.

Jun ne put s’empêcher e rire aux paroles de l’infirmière, ces paroles relâchées qu’en temps normal aucun adulte ne devrait prononcer. « Ha ha ! Je comprends tout à fait cette flemme que vous devez avoir avec tout ce travail ! Y’a pas à dire, la vie d’adolescent ça peut être stressant, mais c’était tellement rien par rapport à ce qui nous attends ! » Jun se remit à sourire à la confession de l’infirmière, et ne put s’empêcher de se sentir visée face à sa situation. « Je ne vais pas vous cacher que moi non plus je n’ai pas souvent de conversation amicale avec les gens de mon âge ici. Vous devez être une des premières à autant m’inspirer confiance ! » Pour sûr, Jun n’avait pas souvent l’occasion de se mêler aux autres, pas par choix, mais surement parce qu’elle était trop à la marge du reste. Ou simplement parce qu’elle était entourée de dépressifs… Il ne fallait pas oublier que c’était un orphelinat ici, et qu’ils étaient loin des lycées respirant la joie de vivre et les divers sujets tous plus futiles que divers. Ici, elle entendait bien plus souvent des insultes se proférer, des pleurs chez les plus petits. Oui c’était un orphelinat bien caricatural. Mais n’était-ce pas normal quelque part ?

« Dites… Je voulais savoir si vous êtes vraiment bourrée de travail… Parce que si c’était le cas, je me serais faite une joie de venir vous aider de temps à autres ! Je m’ennuie terriblement ici, je n’ai jamais rien à faire, t j’essaye de passer le temps sur les jeux un peu de derniers recours avec d’autres rares pensionnaires, mais c’est loin des jeux vidéo et du reste… En plus, je me ferais une joie de vous revoir plus souvent ! » En effet, Jun avait vraiment envie de s’attacher à l’adulte. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait eu de conversation aussi banale avec un être humain, et vraiment, ça lui manquait.